photographie et symbolisme (première partie)
Première partie: La photographie naît avec le symbolisme
La photographie a connu une utilisation fréquente dès son apparition dans la deuxième moitié du XIXème siècle, les peintres et sculpteurs du symbolisme, - qui emmargea à la même époque - s'en servirent donc tout naturellement pour des raisons pratique: avec la photographie, plus besoin de poses longues et éreintantes durant des heurs pour les modèles, mais aussi la possibilité de réutiliser la même pose dans différents contextes. Rodin, Fernand Khnopff ou encore Mucha s'en servirent abondamment.
Françoise Bernardi, historienne d'art, dit à ce propos:''Avec l’apparition de la photographie, certains vont proclamer la mort de la peinture. Mais, cette exposition vient nous démontrer le contraire. S’il est vrai que la photographie emprunte nombre de ses motifs à la peinture, on constate que ces deux modes artistiques se nourrissent l’un de l’autre. L’émergence de la photo va obliger la peinture à se redéfinir et à s’orienter vers de nouvelles formes artistiques. C’est dans ce contexte de renouveau que naîtra l’abstraction.[...] Petit à petit, les peintres vont exploiter la photographie comme un outil de travail proche du modèle d’atelier. Louis Igout (confere illustration de l'article) réalise des planches d’attitudes : mains ou nus masculins photographiés selon différents angles de vue. Les images de Julien Vallou de Villeneuve serviront de modèles à Courbet et Delacroix. La photographie devient un outil documentaire utile aux peintres. Certains d’entre eux vont d’ailleurs se laisser tenter par cette nouvelle technique. Franz Von Stuck, Henri Evenepoel, Fernand Khnopff vont réaliser eux-mêmes leurs photographies, ce qui les rend libres et indépendants dans leurs créations.''
A ce propos, mettons en valeur une facette du travail artistique de Julia Margaret Cameron et ses ''illustrations photographiques''. Il s’agit essentiellement de scènes de genre en costumes, illustrant des thèmes religieux, littéraires, poétiques ou légendaires. Ces photographies sont très influencées par la peinture préraphaélite anglaise. Elles étaient conçues pour ressembler aux peintures à l'huile de ce mouvement, qui cherchait à retrouver la pureté des primitifs italiens. Femmes graciles à la longue chevelure défaite, nobles vieillards barbus, draperies élaborées, poses languides... aujourd'hui, ces compositions photographiques sont parfois écartées par les critiques d'art. Pour sa part, Cameron les voyait comme des travaux artistiques à part entière, à l'instar des tableaux qu'elles imitaient. Ces scènes allégoriques étaient notamment destinées à des œuvres littéraires. Cameron illustra ainsi en 1874 les Idylls of the King de son ami poète Alfred Tennyson. Cette contribution fut assez mal accueillie par la critique de l'époque.
Rodin par exemple, utilisait des photographies du photographe Gaudenzio Marconi. Celui-ci était italien et travaillait en France. On retiendra surtout ces photographies artistiques de nus:
Les photographes se réfèrent à des codes artistiques connus et donc la peinture et ses thèmes seront repris en photographies. Ce qui donnent des tableaux vivants comme celui de Rejlander qui s’est inspiré de la composition de Raphaël pour l’Ecole d’Athènes. Comme Henry Peach Robinson qui le suit dans cette voie, Oscar Gustav Rejlander combine plusieurs négatifs pour réaliser ses tirages définitifs, transposant des thèmes picturaux à partir de dessins préparatoires. Le plus célèbre est sans doute The Two Ways of Life (« Deux façons de vivre », 1857), véritable « tableau photographique » qui nécessite trente négatifs et six semaines de prises de vue. Plus ou moins inspiré de l’École d’Athènes de Raphaël, cette allégorie moralisante met en scène une vingtaine de personnages sur deux scènes symétriques, symbolisant le dilemme entre le bien et le mal, le vice et la vertu, le travail et l’oisiveté. La reine Victoria en achète trois copies et en offre une à son fils Albert. Devenu le photographe le plus réputé de Londres, Oscar Gustav Rejlander compose d’autres « images combinées », comme la Tête de Jean-Baptiste sur un plateau (1859) ou Temps difficiles (1860), cliché qui, par d’habiles surimpressions, évoque l’angoisse du chômeur.
La photographie se démocratise et elle devient, vers 1890, accessible au grand public. Dans ce contexte de banalisation de l’art photographique, plusieurs artistes vont se mobiliser pour "faire de la photographie une épreuve artistique unique au même titre qu’un dessin ou une gravure". La technique va alors se complexifier avec l’utilisation de gomme, encre ou pigments particuliers. Emile Joachim Constant Puyo, Paul Burty Haviland, George H.Seeley permettent à la photographie de se libérer de la peinture et de prendre conscience de ses potentialités techniques...
La photographie comme outil ou pour elle-même a désormais toutes ses lettres de noblesses. Elle sera appréciée pour sa qualité de restitution et de poésie, et plaira également beaucoup aux réalistes et autres naturalistes. Elle sera le prétexte de photomontages plus ou moins ingénieux mais ne sera pas oubliée par les DADA, surréalistes et autres protagonistes du post-symbolisme...